Réforme de la titrisation – impacts sur le cadre réglementaire et les obligations de reporting

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  1. Contexte général de la réforme

 

Le 17 juin 2025, la Commission européenne a présenté une proposition de réforme du cadre réglementaire applicable aux opérations de titrisation dans l’Union européenne. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du renforcement de l’Union des marchés de capitaux (CMU 2.0), avec pour ambition de stimuler le financement de l’économie réelle via des canaux non bancaires.

Malgré un cadre solide mis en place depuis la réforme de 2017 (Règlement UE 2017/2402), le marché européen de la titrisation demeure sous-développé comparé à ses équivalents anglo-saxons. Les autorités européennes estiment que les contraintes réglementaires – notamment en matière de fonds propres et de reporting – freinent les acteurs du marché, en particulier pour les opérations dites « privées ».

 

  1. Objectifs de la réforme

 

La réforme vise à atteindre les objectifs suivants :

  • Relancer le marché de la titrisation en le rendant plus attractif pour les banques et investisseurs.
  • Réduire les coûts et la complexité administrative associés à certaines opérations, tout en maintenant une transparence suffisante.
  • Améliorer le traitement prudentiel des tranches de titrisation les plus sûres, notamment les tranches senior STS.
  • Aligner le cadre européen avec les pratiques internationales (États-Unis, Royaume-Uni), pour renforcer la compétitivité des institutions financières européennes.

 

  1. Principales mesures proposées

 

3.1 Révision des exigences de fonds propres

  • Réduction de la pondération minimale applicable aux tranches senior STS de 10 % à 5 %, afin d’aligner le coût réglementaire sur le niveau de risque réel.
  • Ajustement des paramètres de calcul dans les méthodes standardisées (notamment le facteur « p »).
  • Introduction d’un traitement plus favorable pour les expositions à des véhicules de titrisation STS dans le cadre des règles CRR/CRD.

 

3.2 Allègement des obligations de reporting

  • Suppression de 35 % à 40 % des données exigées pour les titrisations privées.
  • Rationalisation des modèles de reporting ESMA, avec une standardisation plus souple selon les types d’actifs (prêts hypothécaires, crédits auto, etc.).
  • Réduction de la fréquence de reporting et recentrage sur les informations pertinentes pour les investisseurs qualifiés.

3.3 Intégration au ratio de liquidité (LCR)

  • Les tranches senior STS pourraient bénéficier d’un statut partiel d’actifs liquides de haute qualité (HQLA) dans le cadre du ratio LCR.
  • Objectif : permettre aux banques d’inclure ces titres dans leur coussin de liquidité réglementaire, augmentant ainsi leur attrait sur le marché secondaire.

 

  1. Impacts sur les obligations de reporting

 

4.1 Titrisations privées

  • Allègement substantiel des exigences de reporting : suppression de données peu utiles ou difficiles à obtenir.
  • Possibilité de reporting bilatéral simplifié, directement entre les parties prenantes, sans publication sur les plateformes publiques.
  • Gain opérationnel significatif pour les établissements émettant ou investissant dans des titrisations à usage interne ou confidentiel.

4.2 Titrisations publiques STS

  • Maintien d’un reporting détaillé, notamment via les templates ESMA.
  • Obligation de transparence sur la structure, les flux de trésorerie, les performances des sous-jacents, etc.
  • Recours possible à un tiers vérificateur STS pour certifier la conformité au cadre simplifié.

4.3 Impacts sur les systèmes d’information

  • Refonte partielle des chaînes de collecte et de traitement des données réglementaires.
  • Possibilité d’automatiser une partie des reportings grâce à des templates plus cohérents.
  • Surveillance renforcée à prévoir pour la phase de transition entre anciens et nouveaux formats de déclaration.

 

  1. Focus : Allègement des reportings pour les titrisations privées

 

Les titrisations privées, longtemps soumises à des exigences identiques aux émissions publiques, bénéficieront désormais d’un traitement différencié. La réforme propose de recentrer le reporting sur les informations strictement nécessaires à une évaluation du risque par les contreparties directes.

Cet allègement concerne :

  • La suppression de nombreux champs déclaratifs dans les templates ESMA.
  • L’autorisation d’échanges d’information en dehors des plateformes publiques, dans un cadre plus confidentiel.
  • La possibilité d’adopter des formats personnalisés (hors ESMA), tant que les exigences minimales de transparence sont respectées.

Cette mesure vise à relancer l’intérêt des banques pour ce type de structuration, notamment dans des contextes de cession de portefeuilles ou de gestion bilancielle.

 

  1. Impacts opérationnels internes

 

Les équipes Conformité, Finance, Risques et IT doivent anticiper plusieurs chantiers :

  • Révision des processus internes liés à la production des reportings réglementaires.
  • Évaluation des systèmes d’information pour intégrer les nouveaux formats.
  • Formation des équipes à la nouvelle doctrine européenne.
  • Dialogue renforcé avec les autorités de supervision (ACPR, BCE, ESMA) pour clarifier les zones d’incertitude.

 

  1. Calendrier et perspectives

 

Étape

Détail

Juin 2025

Publication de la proposition par la Commission européenne

S2 2025

Négociations interinstitutionnelles (Parlement / Conseil)

Fin 2025

Vote définitif attendu

2026

Entrée en vigueur du nouveau régime

2026–2027

Période transitoire avec double régime (ancien et nouveau)

Des actes délégués seront publiés ultérieurement pour définir les détails techniques, notamment les modèles de reporting simplifiés, les seuils applicables et les critères de proportionnalité.

 

  1. Recommandations

 

  • Réaliser un état des lieux des opérations de titrisation actuelles.
  • Identifier les ressources affectées au reporting réglementaire.
  • Anticiper les ajustements IT liés aux nouveaux templates.
  • Mettre en place une veille réglementaire active jusqu’à la publication des textes définitifs.
  • Envisager la relance d’opérations privées dans un cadre allégé.

 

  1. Conclusion

 

La réforme de 2025 constitue une évolution majeure pour les acteurs de la titrisation en Europe. Elle allège les contraintes sur les opérations privées, améliore le traitement prudentiel des tranches senior STS, et renforce la compétitivité du marché européen.

Cependant, les établissements doivent se préparer à adapter rapidement leurs outils, processus et référentiels réglementaires. Une anticipation proactive est essentielle pour tirer parti de ces assouplissements dès leur entrée en vigueur.

Regsharp se tient à vos côtés pour échanger sur ce projet.

 

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