Article rédigé en collaboration avec Hervé Thiery, formateur indépendant, ancien chef de projet à l’ANC et ancien directeur comptable de banques
1. La réglementation de l’activité des PSAN :
La réglementation est codifiée dans deux textes :
- la loi PACTE (22 mai 2019) et son décret d’application 2019-1213 du 22 novembre 2019 ;
- le Règlement général de l’AMF, publié au JO du 18 décembre 2019.
La loi PACTE décrit les services sur actifs numériques (AN), et précise la réglementation qui à titre synthétique, se caractérise par une obligation et une option :
- Elle prescrit l’enregistrement obligatoire préalable des prestataires auprès de l’AMF pour pouvoir proposer les 3 premières activités décrites (« la conservation d’AN », «l’achat ou la de vente d’AN en monnaie ayant cours légal »,ou « le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques »), ou encore l’exploitation d’une plateforme de négociation d’AN.
- Elle prévoit la possibilité pour les prestataires d’obtenir un agrément optionnel délivré par l’AMF pour les différentes prestations sur AN, ce qui sous condition d’obtention, constitue un label de sérieux et d’utilisation de bonnes pratiques.
L’AMF, dans le cadre des procédures d’enregistrement ou d’agrément, procède aux vérifications suivantes :
- Pour l’enregistrement préalable, l’AMF vérifie la conformité à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et sollicite l’avis de l’ACPR sur l’honorabilité du dirigeant ;
- Pour la délivrance des agréments, il y a deux points de vérifications :
- Pour tous les services sur actifs numériques :
- Le respect d’une montant minimum de fonds propres ou la souscription d’une assurance ad hoc ;
- L’existence de dispositifs de sécurité et de contrôle interne adéquats ;
- Un système d’information résilient et sécurisé ;
- Un système de gestion des conflits d’intérêts.
- Des points spécifiques selon les services sur AN, ainsi pour les conservateurs, sont retenus :
- La formalisation de conventions définissant leurs missions et leurs responsabilités ;
- L’établissement d’une politique de conservation ;
- La mise en place des moyens nécessaires à la restitution dans les meilleurs délais des AN détenus pour le compte de leurs clients ;
- La ségrégation des détentions pour le compte de leurs clients vis-à-vis de leurs propres détentions ;
- L’engagement de non-usage des AN ou des clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients, sauf consentement exprès et préalable des clients.
Les obligations comptables des PSAN :
Si nombre de services sur actifs numériques voient leur traitement comptable obéir aux règles classiques du Plan Comptable Général, l’ANC a précisé dans son règlement 2020-05 le traitement des services de conservation d’AN, et répond à la question de savoir si oui ou non, ces actifs doivent être inscrits au bilan des conservateurs.
La notion de « contrôle » étant prépondérante pour toute inscription d’un instrument à l’actif d’une entreprise, la réponse à cette question a soulevé de nombreux débats liés à l’absence de définition juridique positive du détenteur d’AN :
- A titre de comparaison, dans le domaine des titres, la preuve juridique de leur détention (et du pouvoir de disposition sur ces titres) est apportée par l’inscription sur un compte titre (compte matière), ce qui explique l’absence d’activation des titres au bilan des conservateurs (puisque ce ne sont pas eux qui disposent des titres) ;
- Dans le domaine des AN, la disposition des clefs d’accès (clés cryptées ou mots de passe) constitue un point central de disposition, la question s’est donc posée si les conservateurs d’AN ne devraient pas les comptabiliser à leur actif, et symétriquement constater une dette de restitution.
L’ANC a retenu des critères qualitatifs (comportement de bonne gestion) pour ne pas inscrire les AN au bilan des conservateurs, lorsque trois critères cumulatifs sont respectés :
- La ségrégation des AN conservés pour le compte de tiers, elle assure : une séparation dans le dispositif d’enregistrement électronique partagé entre les AN des clients, et les propres AN du conservateur PSAN ; qu’à tout moment, la quantité d’AN dont les moyens d’accès sont conservés pour le compte de tiers, est égale à la quantité d’AN inscrits dans les supports techniques de conservation ;
- La non-disponibilité des AN par les conservateurs (ni sur leurs droits attachés, comprendre les forks) sans l’accord exprès des clients, et les décisions concernant les transactions d’un client résultent d’une multi-validation ;
L’obligation de restitution des moyens d’accès aux AN : l’existence de moyens nécessaires à la restitution des moyens d’accès aux actifs numériques conservés.
NB : il est à signaler que les conservateurs ayant obtenu l’agrément de l’AMF respectent ces dispositions.
Les conservateurs n’inscrivant pas les AN à leur bilan mentionnent dans l’annexe, l’identité et la quantité d’AN conservés.
Les conservateurs ne respectant pas l’un de ces 3 critères devront :
- Inscrire les actifs numériques conservés à l’actif du bilan ;
- Constater au passif une dette de restitution ;
- Ces éléments d’actifs et passif seront comptabilisés en valeur vénale, les écarts de valeur devant faire l’objet d’une inscription dans un compte d’écart d’évaluation actif (perte latente) ou passif (profit latent), avec constitution d’une provision pour charge en cas de perte latente nette.
Ainsi, le sérieux apporté par les conservateurs quant aux modalités d’exercice de leur activité, et notamment sur le critère de ségrégation, sera documenté par la NON INSCRIPTION des actifs numériques conservés pour le compte de tiers.
2. L’externalisation de la production des états réglementaires
Les réformes à venir en matière de reporting réglementaire sont nombreuses et à brève échéance.
Pour de nombreux établissements, une nouvelle version de leur logiciel de reporting ACPR a été livrée ou sera livrée prochainement.
Dans les établissements assujettis au reporting ACPR, l’organisation de la fonction finance est souvent la même :
SI métier 🡺 Interpréteur comptable 🡺 General Ledger 🡺 Outil de reporting ACPR
Cette organisation est souvent optimale afin de respecter la notion de piste d’audit et les besoins de rapprochement comptabilité – Gestion.
Cette architecture, simplifiée, est souvent également associée à un entrepôt de données dans lequel sont stockées l’ensemble des informations financières.
Généralement l’intégration de ces outils se fait de bout en bout de la chaîne, ce qui exclut l’externalisation d’une partie du processus de production de ces états réglementaires.
Mais ce n’est pas une fatalité, il existe des solutions d’externalisation « partielle » qu’il est possible d’envisager.
Pourquoi externaliser ?
C’est un sujet sur lequel de nombreuses publications ont été faites, mais rappelons en les principaux avantages et inconvénients :
- mieux concentrer ses ressources sur le core business ou, dans le cas d’un département comptable, prioriser les fonctions d’étude ou de contrôle par rapport aux fonctions de production ;
- faire appel aux meilleurs spécialistes sans avoir à se doter de ce type de compétences en interne ;
- mieux maîtriser les coûts en bénéficiant des effets de volume de la part de prestataires ayant pu développer des économies d’échelle ; (par exemple en négociant des tarifs avec des éditeurs de logiciels informatiques)
- avoir une meilleure flexibilité face aux variations d’activité (surcharge d’activité ou période des congés payés à gérer) ;
- avoir parfois plus de souplesse de mise en œuvre que des processus internes complexes à organiser.
Les inconvénients possibles sont les suivants :
- la perte des compétences en interne sur les processus externalisés ;
- un manque de maîtrise ou de compréhension de l’information sur ses propres données ;
- une déperdition des contrôles ;
- la complexité à réinternaliser à terme les processus externalisés ou la dépendance vis-à-vis du prestataire. Dans ce cas, il est à souligner l’importance d’avoir un contrat comportant une clause de réversibilité et précisant ses modalités de mise en œuvre.
Les contraintes opérationnelles et réglementaires :
Les particularités de l’organisation d’une comptabilité bancaire tiennent notamment au fait que le niveau d’informatisation et de dématérialisation est important dans une banque. Tout acte de gestion « est » de la comptabilité. Il est donc nécessaire de mettre en place une infrastructure permettant de capter des flux d’opérations de nature très diverses, via une logique d’interprétation comptable (i. e. un outil capable de transformer des informations de gestion en écritures comptables).
La réglementation bancaire, dans son Arrêté du 03/11/2014, modifié par l’arrêté du 25/02/2021 (articles 231 à 240) vient traiter des règles à respecter en matière d’externalisation de prestations essentielles, la production de reporting réglementaire, totalement externalisée entrerait bien évidemment dans le cadre de cette définition. Elle impose, entre autres, au délégant de garder le contrôle de ses activités externalisées, notamment en conservant la possibilité d’auditer ou de faire auditer son prestataire.
Le nouvel arrêté impose la tenue d’un registre des activités externalisées et l’obligation d’information de l’ACPR.
Certains cabinets, en partenariat avec un éditeur de logiciel de reporting ACPR ont mis en place une offre couvrant les besoins de production de ces reporting, et notamment à destination de nouveaux entrants sur le marché réglementé.
Par exemple, une assistance peut couvrir les domaines suivants :
- Une prise de connaissance de l’activité et des SI métiers afin de comprendre où « récupérer » l’information qu’il faudra comptabiliser ;
- Puis il faut définir les schémas comptables, au format PCEC, le plus adapté à une activité bancaire et actuellement en phase de mise à jour ;
- Ensuite, et idéalement, paramétrage de l’interpréteur comptable (solution la plus simple à mettre en œuvre et évitant d’avoir à « coder » des informations en provenance du SI métier afin d’en faire des écritures comptables) ;
- Puis vient la phase de mise en place de l’outil comptable, ou l’adaptation si celui-ci existe déjà afin de le mettre aux nouveaux standards requis par la profession bancaire ;
- Enfin vient la phase de mise en place du logiciel de reporting réglementaire. Celle-ci se fait en général en collaboration avec l’éditeur choisi, celui-ci disposant d’équipes de consulting, capables de gérer cette prestation.
A ce stade, beaucoup de prestations s’arrêtent là et quelques cabinets se sont positionnés sur l’externalisation de la production de ces reportings à destination de l’ACPR.
- Être partenaire d’un éditeur leur permet en effet :
- D’obtenir des prix intéressant sur la fourniture du logiciel,
- D’être en permanence formés à l’utilisation du logiciel et d’avoir la certitude de pouvoir anticiper les réformes à venir.
- Intervenir sur plusieurs établissements leur permet et les oblige à être efficaces afin d’optimiser le temps à consacrer à la production des reporting.
Les réformes récentes (RUBA, CRD V) et à venir impliquent des changements de version des logiciels, de former vos équipes, de consacrer plus de temps à la production d’un reporting de plus en plus complexe et lourd.
Plusieurs établissements réfléchissent à l’externalisation de ce processus.
Et si ces réformes étaient l’occasion pour vous aussi de vous poser la question ?